Il est 18 h. En cette soirée de novembre, l’église Saint-Antoine est plongée dans l’obscurité, et vide de toute présence humaine … mais qui donc peut encore s’y trouver à cette heure-là ? Le (la) membre de la petite équipe – 5 personnes – chargée d’ouvrir et de fermer l’église les jours de semaine (du lundi au vendredi), par roulement.

Cette semaine, c’est mon tour. Et ce soir, je fais donc méthodiquement ce que j’ai à faire.

J’ai terminé, mission accomplie … Terminé ? Que non !

Me voilà maintenant seul dans le silence de cette église dont je sens malgré l’obscurité  la Grandeur qui me dépasse, par sa hauteur, son espace ambiant … mais pas seulement : comment ne pas être sensible au long passé de cet édifice, à l’œuvre des bâtisseurs qui l’ont construit, à la mémoire des Bienheureuses Carmélites qui venaient prier ici en cachette avant leur arrestation et leur exécution sous la Terreur, à tous les temps forts, événements heureux et moins heureux qui ont été célébrés ici – baptêmes, communions, mariages, obsèques, … – avec les joies et peines qu’ils ont suscités, en particulier cette veillée de prière le soir du rappel à Dieu du Père Serge Maroun, en janvier 2017, où toute la communauté paroissiale s’était rassemblée ici dans la consternation, la tristesse, la prière …

Je me sens alors tout petit, humble, seul … seul ? Que non ! La petite lumière rouge près du tabernacle du beau maître-autel est là pour me le rappeler … je sens une autre Présence et me surprends alors à chanter la prière scoute de mon enfance, à haute voix (ce que je ne fais jamais, chantant comme une vieille casserole percée) : « Seigneur Jésus, apprenez-nous à être généreux, à Vous servir comme Vous le méritez, … »

Instant privilégié, d’autant plus qu’il s’insère dans le quotidien, comme une parenthèse magique …

Et voilà … une dernière vérification sur l’extinction des lumières des chapelles, cierges et lumignons, un dernier appel pour bien s’assurer qu’il n’y a vraiment plus personne … et ne pas risquer d’enfermer quelqu’un dans l’église (cela s’est déjà produit, fort heureusement sans autre conséquence qu’une belle frayeur du très temporairement “séquestré” !), deux tours de clés et voilà l’église en sommeil …

Le lendemain vers 9 h 15, me revoici à Saint-Antoine pour ouvrir les portes, rallumer tout ce que j’avais éteint la veille, et voir arriver les premiers visiteurs : des fidèles venant “faire une petite prière en passant”, des touristes matinaux, … : ils me confortent dans l’utilité de ma mission !

Jacques